Raoul Ubac, la matière comme mémoire
Prenez entre vos mains une ardoise gravée par Raoul Ubac. Sentez son poids, la froide densité de la pierre schisteuse extraite des profondeurs de la terre. Suivez du doigt les sillons profonds, les entailles précises qui parcourent sa surface sombre. Vous touchez là à l'essence même de l'art de Raoul Ubac (1910-1985) dans sa maturité : un dialogue intense et physique avec la matière, une quête de la trace primordiale, de l'empreinte qui défie le temps. Pourtant, cet artiste belge, figure importante de l'École de Paris après-guerre, n'a pas toujours arpenté ces chemins telluriques. Son parcours est celui d'une métamorphose radicale, l'ayant mené des expérimentations éphémères de l'image photographique à la permanence gravée dans la pierre.
Le détour surréaliste : Ubac photographe de l'inconscient
Difficile d'imaginer, face à la sobriété minérale de ses œuvres tardives, que Raoul Ubac fut l'un des photographes expérimentaux les plus inventifs liés au mouvement surréaliste dans les années 1930. Arrivé à Paris, le jeune artiste originaire de Malmedy (alors territoire allemand, Ubac optera pour la nationalité belge plus tard) fréquente les cercles d'avant-garde et se passionne pour les possibilités offertes par la photographie, non pas comme simple enregistrement du réel, mais comme outil d'exploration de l'inconnu et de l'irrationnel.
Il met au point des techniques personnelles et audacieuses : le "brûlage", où il intervient directement sur le négatif par le feu, créant des formes aléatoires et des textures fantomatiques ; la "pétrification", combinant solarisation et autres manipulations chimiques pour donner aux images un aspect fossilisé, minéral avant l'heure. Ses photographies, publiées notamment dans la célèbre revue surréaliste *Minotaure*, explorent les thèmes du corps morcelé, du paysage onirique, de l'objet trouvé métamorphosé. Il réalise également des assemblages et des reliefs photographiques, témoignant d'une intense période de recherche autour de l'image et de ses potentiels subversifs, en lien étroit avec Man Ray ou André Breton. Cette période de photographie surréaliste est cruciale mais constitue une première vie artistique.
L'âme de l'ardoise : la gravure comme geste essentiel
Au tournant des années 1940, pendant la guerre, Ubac opère une rupture radicale. Déçu par ce qu'il perçoit comme la fugacité ou l'artificialité de l'image photographique, il détruit une partie de ses négatifs et se tourne vers des techniques plus directes, plus manuelles : le dessin et surtout la gravure. C'est dans le travail de l'ardoise gravée qu'il trouvera sa voie la plus personnelle et la plus profonde. L'ardoise, matière humble et dense, extraite du sol ardennais de son enfance, devient son support de prédilection.
Graver l'ardoise est pour Ubac un acte physique, un corps à corps avec la matière. Armé de gouges et de burins, il entaille la pierre, creuse des sillons puissants qui évoquent les labours de la terre, les cicatrices du temps, les lignes de vie. Il ne cherche pas l'anecdote, mais l'empreinte essentielle, le signe archétypal. Ses gravures sur ardoise, souvent de petit format mais d'une densité monumentale, présentent des formes abstraites mais organiques : "Corps", "Sillons", "Pierre". La lumière joue un rôle essentiel, s'accrochant aux reliefs, soulignant la profondeur des tailles, révélant la texture vibrante de la pierre. Chaque ardoise est une pièce unique, portant la trace irréversible du geste de l'artiste.
La peinture comme terre : matiérisme et paysages primordiaux
Parallèlement à la gravure sur ardoise, Raoul Ubac développe une œuvre peinte qui partage les mêmes préoccupations. Sa peinture est résolument matiériste, s'inscrivant dans ce courant de l'École de Paris qui, après-guerre, privilégie l'épaisseur de la pâte, la texture, la présence physique de la peinture elle-même. Ubac utilise des pigments souvent sombres – ocres, bruns, gris terriens, noirs profonds – qu'il applique en couches épaisses, triturées, scarifiées, rappelant la terre labourée ou la roche érodée.
Ses tableaux, souvent organisés en séries thématiques ("Labours", "Champs", "Corps"), ne sont pas des représentations au sens traditionnel. Ce sont plutôt des équivalents picturaux des paysages et des éléments naturels qui l'inspirent. La matière picturale elle-même devient paysage. Les formes sont simplifiées, réduites à l'essentiel, évoquant des parcelles de terre, des torses archaïques, des pierres levées. Il y a dans sa peinture matiériste une gravité, une densité, une connexion aux forces élémentaires qui font écho à son travail de graveur sur ardoise. La trace, l'empreinte, la mémoire inscrite dans la matière restent au cœur de sa démarche.
Au-delà de l'ardoise et de la toile : un artiste polymorphe
Si l'ardoise gravée et la peinture matiériste constituent le cœur de l'œuvre de Raoul Ubac, sa curiosité pour la matière et la technique l'a également conduit à explorer d'autres domaines. Il a ainsi réalisé d'importants cartons de tapisserie, traduisant ses compositions graphiques dans la chaleur et la texture de la laine. Il s'est également intéressé à la mosaïque et, de manière significative, au vitrail.
Son travail sur le vitrail, souvent pour des édifices religieux, témoigne de sa capacité à adapter son langage plastique aux contraintes de la lumière et de l'architecture. Il y retrouve le jeu des lignes structurantes et des plans colorés, dans un dialogue avec l'espace monumental. Sa collaboration avec Georges Braque pour l'église de Varengeville-sur-Mer est l'un des exemples notables de cette facette de son travail. Cette diversification témoigne d'un engagement constant avec les matériaux et les savoir-faire, plaçant résolument Ubac comme une figure riche et complexe de l'art européen du XXe siècle.
La trace durable d'Ubac : valeur et nécessité de l'expertise
Le parcours de Raoul Ubac est exemplaire par sa cohérence interne malgré ses transformations radicales. De l'image immatérielle du surréalisme à la densité tellurique de l'ardoise et de la peinture matiériste, il a suivi une quête exigeante de l'authenticité du geste et de la matière. Aujourd'hui, ses œuvres de maturité, en particulier ses ardoises gravées et ses peintures, sont très recherchées par les collectionneurs et les institutions pour leur puissance et leur singularité.
Posséder une œuvre de Raoul Ubac, c'est conserver la mémoire d'un dialogue profond entre l'homme et la matière. Compte tenu de la diversité de ses techniques (photographie ancienne, gravure sur ardoise, peinture à l'huile matiériste, tapisserie, vitrail) et de la spécificité de ses matériaux, une expertise d'œuvre d'art est primordiale. Elle permet d'authentifier l'œuvre, de la dater précisément en fonction de l'évolution stylistique et technique de l'artiste, d'évaluer son état de conservation (particulièrement important pour les ardoises ou les peintures épaisses) et d'en déterminer la juste valeur sur le marché actuel.
Chez Antic Arts, nos experts disposent des connaissances nécessaires pour apprécier la complexité de l'œuvre de Raoul Ubac. Que vous possédiez une photographie des années 30, une ardoise gravée emblématique, une peinture matiériste ou une autre création de l'artiste, nous pouvons vous fournir une estimation d'ardoise ou de tableau fiable et documentée. N'hésitez pas à nous contacter pour une première analyse confidentielle et pour valoriser au mieux cette trace durable laissée par un artiste essentiel.
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